Le Soft Power religieux de la Turquie en Afrique de l'ouest: Pratiques et contraintes en terrain musulman de Côte d'Ivoire
Située en Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire est un pays marqué par une diversité religieuse et a longtemps été une terre d'accueil pour les populations de la sous-région et des investisseurs étrangers. Cette ouverture aux autres a entraîné un développement socio-économique de ce pays côtier où l'islam occupe désormais une place importante. Partie d'une position marginale durant la période coloniale, cette religion a connu un essor rapide ces dernières décennies grâce au dynamisme des organisations islamiques locales – évoluant sur le modèle des structures bureaucratiques – avec parfois le soutien des mécènes et des institutions de pays arabo-musulmans tels que le Maroc, l'Algérie, l'Égypte, la Libye, la Tunisie, l'Iran et l'Arabie saoudite.
Avec ses activités diplomatiques vers l'Afrique lancées depuis 1998, la Turquie a également commencé à s'intéresser à ce terrain religieux pour soutenir sa politique étrangère sur ce continent où elle était absente pendant l’entreprise coloniale. Ainsi, bien qu’assez récente, par rapport aux pays de plus forte tradition musulmane, la coopération entre la Côte d’Ivoire et la Turquie a vu la circulation d’entrepreneurs socio-économiques et d’étudiants pour des besoins divers entre ces deux pays. Cette mobilité des personnes s'est accompagnée d'un transfert des pratiques religieuses turques à travers la construction de nouveaux lieux de culte, la mise en place de programmes de formation religieuse, l’introduction d’une culture de partage et d’expression de la solidarité islamique à Abidjan et dans d'autres villes ivoiriennes. S'appuyant sur un travail de terrain (mené à Abidjan, Bouaké, Korhogo et Istanbul) et une ethnographie numérique (à partir des plateformes des réseaux sociaux tels Facebook et WhatsApp) depuis 2016, cette communication décrit et analyse les multiples facettes de la diplomatie turque au prisme de l'islam en Côte d’Ivoire.
Issouf Binaté est actuellement maître de conférences au département d’histoire à l’Université Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire. Ses intérêts de recherche portent sur l'éducation arabo-islamique, le renouveau de l'islam soufi, les ONG confessionnelles islamiques (y compris les organisations humanitaires turques) et la religiosité sur Internet en Côte d’Ivoire.
Il a bénéficié de plusieurs bourses et séjours de recherche du African Studies Centre de Leiden (Pays-Bas), de l'EHESS à Paris (France), du Département d'études africaines et d'anthropologie de l'Université de Birmingham (Angleterre), du Leibniz–Zentrum Moderner Orient (L-ZMO) à Berlin (Allemagne), de l’IFEA à Istanbul (Turquie), de l'Université de Floride (Etats-Unis), du Merian Institute for Advanced Studies in Africa à Accra (Ghana) et, plus récemment, de Point Sud à Bamako (Mali).